Il est des trajectoires individuelles qui racontent, à elles seules, l’histoire d’un pays. La nomination de Me Bamba Cissé au ministère de l’Intérieur dépasse le simple cadre gouvernemental : elle est un acte hautement symbolique, un clin d’œil de l’histoire, un pied de nez à ces années où l’arbitraire voulait dicter sa loi.
Brillant avocat, figure respectée du barreau, Bamba Cissé a été de ceux qui, aux heures sombres du régime de Macky Sall, ont refusé de détourner le regard. Aux côtés de Me Khoureyssi Bâ, disparu il y a quelques mois, il a défendu Ousmane Sonko et, à travers lui, le droit de tout citoyen à la justice et à la liberté. Ils étaient là quand d’autres se taisaient, ils parlaient quand tant préféraient le silence complice.
Aujourd’hui, alors que Me Cissé prend les rênes de l’Intérieur, il est impossible de ne pas penser à son compagnon de lutte, Me Bâ. Sa voix ne résonnera plus dans les prétoires, mais son combat, lui, continue de vivre dans cette revanche démocratique qui s’écrit. Car ce ministère, longtemps perçu comme l’instrument du contrôle et de la répression, est désormais confié à un homme qui a incarné la résistance. Voilà une ironie de l’histoire qui sonne comme une réparation symbolique.
Le Sénégal d’après Macky Sall se redessine dans ces gestes forts. L’État, qui hier piétinait les libertés, choisit aujourd’hui de se réconcilier avec elles. Le parcours de Me Cissé, doublé de la mémoire de Me Bâ, rappelle que la démocratie n’est jamais acquise : elle se conquiert, elle se défend, parfois au prix de sa réputation, parfois au prix de sa vie.
L’hommage à Me Khoureyssi Bâ est inscrit en filigrane dans chaque pas franchi par son frère d’armes. Lui qui ne verra pas cette victoire, mais dont l’ombre bienveillante plane sur ce moment. Et si cette nomination a une portée, c’est celle-ci : rappeler que la fidélité aux principes finit toujours par triompher du cynisme politique.

