Le 20 octobre 2025, j’ai saisi le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar d’une plainte et d’une dénonciation concernant les propos dangereux tenus par M. Pape Malick Ndour lors d’un rassemblement politique.
La vidéo incriminée, jointe à ma dénonciation sur support numérique (clé USB), a été transmise au Parquet, puis versée à la Section de Recherches de la Gendarmerie nationale sous les numéros de soit-transmis n°10601/25 et n°10602/25 en date du 22 octobre 2025.
À l’issue de ces diligences, M. Pape Malick Ndour a été convoqué, entendu, puis placé en garde à vue, avant d’être remis en liberté. Cette évolution a provoqué une forte déception chez de nombreux citoyens et partisans du PASTEF, qui y ont vu une atteinte à la crédibilité de l’action publique et au respect de l’ordre public.
Cependant, au-delà des émotions collectives, il convient de replacer cette séquence dans le réel judiciaire, celui du principe de l’opportunité des poursuites, fondement de l’action du ministère public au Sénégal.
Ce principe reconnaît au Procureur de la République le pouvoir d’apprécier la pertinence de poursuivre ou non, en tenant compte des priorités de la politique pénale définie par le Garde des Sceaux.
Ce rapport hiérarchique entre le parquet et le ministère de la Justice est consacré par la loi.
L’article 7 de la Loi organique n°2017-10 du 17 janvier 2017 portant Statut des magistrats dispose que « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du Ministre de la Justice ».
De même, l’article 28 du Code de procédure pénale précise que « le Ministre de la Justice peut enjoindre au ministère public d’engager ou de faire engager les poursuites, ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites qu’il juge opportunes ».
Ces dispositions établissent un lien hiérarchique organique et administratif, souvent qualifié de « lien ombilical », entre le parquet et l’exécutif.
Ce lien n’est pas une anomalie, mais une composante de l’orthodoxie judiciaire sénégalaise, héritée du modèle continental : le parquet, tout en étant magistrat, demeure un organe d’exécution de la politique pénale du gouvernement, ce qui le distingue du siège, seul dépositaire d’une indépendance pleine et entière.
Ce cadre normatif appelle toutefois une vigilance démocratique.
L’autorité hiérarchique reconnue au Ministre de la Justice ne doit pas se muer en influence politique sur les décisions de poursuites ou de classement.
L’équilibre entre autorité administrative et indépendance fonctionnelle du parquet demeure essentiel pour garantir une justice crédible, respectée et conforme aux attentes du peuple.
Dans cette affaire, la garde à vue suivie d’une libération rapide illustre les limites d’un système où la légalité procédurale peut parfois heurter la perception d’équité réelle.
Mais au-delà des lectures partisanes, le respect scrupuleux de la loi, la transparence procédurale et la confiance dans les institutions judiciaires doivent rester les seuls repères d’un État de droit véritable.
La fin de l’impunité a sonné.
Maître Tanor DIAMÉ
Greffier à la Cour d’appel de Dakar, Citoyen sénégalais, militant du PASTEF.

