ENQUÊTE DU BITIS : La Somiva sous le coup de 6 constations à milliards

Libération a pris connaissance du rapport d’enquête de la Douane sur les opérations commerciales et financières de la Société minière de la vallée du Fleuve (Somiva).

Le 22 décembre 2022, le Bureau des investigations financières et de lutte contre les trafics illicites (Bitis) de la Douane avait ouvert une en‐ quête portant sur les opérations commerciales et financières de la Société minière de la vallée du Fleuve (Somiva) qui exploite les phosphates de Matam. «Dans ce cadre, il a été demandé la production, notamment, des sta‐ tuts de la société, de l’historique de la configuration du capital social, des dividendes payés, des comptes bancaires ouverts à l’étranger et leur mouvement, des transferts financiers vers ou reçus de l’étranger, des emprunts étrangers reçus, des investissements réalisés à l’étranger et les montants des fi‐ nancements y relatifs, des balances générales des comptes et des états financiers, des copies des titres et conventions miniers octroyés ou conclus avec l’Etat du Sénégal », renseigne le Bitis dans son rapport numéro 00000183 en date du 14 juillet 2023.
Selon le rapport, l’enquête a permis de retracer la chronologie des événements phares ayant abouti à la création de la société Sovima. Le 04 juin 2008, création de la Société d’études et de réalisation des phosphates de Matam (Serpm) ; le 06 octobre
2008, signature de la convention minière entre l’Etat du Sénégal et Serpm pour la recherche de
phosphates et de substances connexes autour du périmètre de Ndiendouri‐Ouali Diala (département de Kanel, Région de Matam) ; le 19 janvier 2009, si‐ gnature de l’arrêté du ministre en charge des mines n°00137/Mipme/Dmg, octroyant un permis de recherche à Serpm dans le périmètre de Diendouri‐Ouali Diala ; le 08 juin 2011, signature du décret 2011‐770 accordant une concession minière pour l’exploitation des phosphates et des substances connexes ou associées à la Serpm (périmètre Ndiendouri‐Ouali Diala) pour une durée de 25 ans ; le 21 novembre 2011, création de la société Somiva, conformément aux dispositions
de l’article 18.1. de la Convention minière susmentionnée qui indiquent que «la Serpm et l’Etat créeront conformément à la législation en vigueur en la matière en République du Sénégal
une société d’exploitation de droit sénégalais » ; le 21 novem‐ bre 2011, souscription par la société de droit sénégalais Minivest Sa de 65 % des parts dans le capital social de la Somiva, lesquelles sont attribuées par la loi portant Code minier de 2003, au titulaire de la concession minière, en l’occurrence la Serpm qui doit détenir les 90 %, les 10 restants revenant de droit à l’Etat du Sénégal ; le 08 janvier 2013, nomination des organes de gestion de la Somiva, en l’occurrence M.Ibrahima Sarr en qualité de directeur général et de M.Chihab Kallela, en qualité de directeur général adjoint ; au
second semestre 2013, début de l’exploitation de la grande mine par la Somiva, dont les réserves
prouvées sont de 40.5 millions de tonnes sur une superficie de 8 Km2 avec des recettes escomptées, sur la base d’un prix moyen de 50 000 Fcfa la tonne métrique, de 2 025 milliards de
Fcfa sur la durée de vie du gisement, soit un chiffre d’affaire moyen sur les 25 ans octroyés
par la concession minière de 81 milliards de Fcfa par année.
«L’enquête a, également, per‐ mis de relever les profondes di‐ vergences entre d’une part la société titulaire de la concession minière, la Serpm et d’autre part la société d’exploitation, la So‐ miva et l’investisseur associé de la Serpm, Monsieur Antoine Dumet, sur les points relatifs, notamment, à la propriété du titre minier octroyé par le décret nu‐ méro 2011‐770 du 08 juin 2011 ; à l’étendue du périmètre du gise‐ ment, objet du décret susmentionné ; au non‐paiement par le sieur Dumet de la valeur légale des titres détenus dans le capital social de la société Somiva, esti‐ mée à 151 553 088 581 Fcfa; au non‐remboursement par la Somiva des dépenses de recherche engagées par la Serpm pour un montant cumulé de
53 528 121 004 Fcfa », écrivent les douaniers.
Après avoir recueilli les arguments des deux parties, l’en‐ quête a retenu que Serpm, «société titulaire de la concession minière, doit être rétablie dans ses droits au plan social, ju‐ ridique et financier dans la gestion des phosphates de Matam, au regard de la réglementation minière (…) ».

Serpm, «société titulaire de la concession minière, doit être rétablie dans ses droits au plan
social »

Au‐delà de le la propriété de la concession, l’enquête douanière s’est poursuivie après plusieurs échanges entre le Bitis et les responsables de Somiva qui estimaient que les investigations n’avaient pas lieu d’être.
In fin, la Douane a relevé six constations dont «3 portent sur des « violations à la réglementa‐ tion douanière et 3 sur des violations à la réglementation des changes ».
Dans sa première constatation, la Douane annonce «la décou‐ verte de 584 275 tonnes de
phosphates acheminées à l’étranger, pour une valeur de 23 430 516 542 Fcfa, et non décla‐ rées en douane, déduites de la facturation du transport inté‐ rieur des phosphates ». Le Bitis écrit : « L’enquête a révélé une quantité de 584 275 tonnes de phosphates non déclarées en douane, correspondant à une valeur de 23 430 516 542 Fcfa, sur la période 2015‐2021, en faisant
l’analyse comparative du prix unitaire du transport des phos‐ phates de la mine au port de Dakar aux valeurs facturées pour le transport dans la comp‐ tabilité de Somiva ».
Interpellée sur cet écart, note le rapport, «la Somiva a fourni des éléments de justification qui par‐ ticipent à accentuer l’écart, même avec une intégrant les freintes, comme ceux consistant à dire que « le poids transporté que vous avez retenu doit être corrige pour tenir compte du fait que en 2018, le prix du transport a été détermine partiellement hors cout du carburant. Son montant s’est élevé sur cette année à 9 560 Fcfa ce qui corrige de facto votre poids transporte a un total de 3 162 000 tonnes», signalent les douaniers d’après qui «d’autres éléments de justification sur le point n’ont pas impacté l’écart ».
Il s’agit, notamment, «des déclarations de Somiva selon les‐ quelles le poids déclaré retenu a été minoré de ses ventes locales aux Ics qui représentent un ton‐ nage de 482 536 tonnes, alors que non seulement le transport afférent auxdites ventes locales n’a pas intégré la situation noti‐ fiée qui concerne les quantités à l’exportation mais en plus le transport intérieur pris en compte ne concerne que le transport des phosphates ache‐ minés au port de Dakar, ceci conformément au contrat de transport liant la Somiva à la
compagnie Global transport et mines (Gtm).
Dans sa deuxième constatation, le Bitis mentionne «la décou‐ verte de 1 920 003 tonnes de
phosphates pour une valeur de 66 101 550 845 Fcfa, non comptabilisées tirées des rapports de
réconciliation de l’Initiative pour la transparence dans Industries extractives ‐ Itie, des années
2016 à 2021 ».
La troisième constatation mentionne un «écart» de 62 874 330 245 Fcfa entre les valeurs décla‐ rées par Somiva à l’exportation et la valeur marchande des mêmes produits. « L’écart de 62
874 330 245 Fcfa résulte de l’analyse comparative entre les va‐ leurs déclarées par Somiva à
l’exportation sur la période sous revue allant du mois de janvier 2014 au mois de décembre 2022
d’un montant de 143 652 713 198 Fcfa et la valeur marchande des mêmes produits sur cette même
période d’un montant de 206 527 043 443 Fcfa », notent les douaniers.
En effet, écrivent‐ils, «le contrôle a fait ressortir des prix unitaires de vente de la tonne de phos‐ phate déclarés par la Somiva compris entre 37.541 Fcfa et 40.172 Fcfa sur la période 2016 à 2021, alors que le cours mondial de la tonne de phosphate de la teneur de la mine exploitée par
Somiva s’établit à un prix minimal de 42.775 Fcfa (soit 72,5 dollars Us) en janvier et février 2020
et à un prix le plus élevé de 211.200 Fcfa (soit 320 dollars Us) en Juillet 2022 ».

Une enquête, six constations accablantes

Après un tableau et une analyse très détaillées, les enquêteurs sont catégoriques : «Il est établi que les prix de vente de la tonne de phosphate déclarés par Somiva sont sans rapport avec le
prix réel du marché international qui ressort du cours mondial. Toute opération de vente d’un
produit recevant une cotation sur le marché international, se négocie sur la base du cours
mondial et ne peut se situer en‐dessous ou au‐dessus d’une variation de plus de 10% du cours
officiel, contrairement aux allégations de la Somiva faisant croire, en référence au prix à
l’export, à la valeur convenue entre elle et ses clients étran‐ gers, à savoir la valeur transactionnelle. Mieux, dans son argumentaire, la Somiva assimile le prix à l’export à la valeur marchande sans en tirer les consé‐ quences de droit qui sont d’écarter la valeur transactionnelle au profit de la valeur mar‐ chande pour la définition du prix du phosphate à l’exportation ».
Interpellée sur ce point, la Somiva a déclaré qu’aussi bien dans le Code des Douane que dans le Code minier la notion de valeur est intrinsèquement liée à celle de prix. Un argument rejeté par a Douane. Par ailleurs, à travers sa constatation numéro 4, le Bitis révèle «un défaut de ra‐ patriement de recettes d’exportation de phosphates pour un montant cumulé de 39 346 266 761 Fcfa ». Le rapport fait valoir que «l’enquête a révélé que, sur la période 2015‐2021, la Somivabn’a pas produit des avis de crédit, justifiant du rapatriement ef‐ fectif des recettes d’exportationbconcernées que pour un mon‐ tant de 97 810 369 344 Fcfa pourndes facturations faites aux clients étrangers Agrium, Ameropa, Lebanon et Nitron d’un montant de 137 156 636 105 Fcfa, soit un écart de 39 346 266 761 Fcfa ». Les opérations en cause ont été retracés dans un tableau.


La constatation numéro 5 renseigne pour sa part de la décou‐ verte de l’apurement dans la
comptabilité de Somiva de dettes fournisseurs d’un mon‐ tant cumulé de 11 253 350 516 Fcfa, «sans passage par les banques intermédiaires agréées, comme exigé par les dispositions de l’article 10 de l’annexe 2 du Règlement n°
09/2010/Cm/Uemoa du 1er octobre 2010 relatif aux relations financières extérieures des Etats
membres de l’Union écono‐ mique et monétaire ouest afri‐ caine (Uemoa) relatives à l’obligation de passage par les banques locales pour le règlement de toute importation demarchandises ».
Enfin, les douaniers mentionnent, dans leur dernière constatation, avoir découvert «deux
emprunts étrangers fictifs d’un montant cumulé de 12 690 000 000 Fcfa, déclarés contractés par la Somiva auprès des sociétés Finances industrie group et Mininvest, indûment injectés dans l’augmentation du capital social de Somiva, sans un encaissement, à ce jour, desdits fonds
par ladite société ».


La Douane rapporte en effet avoir relevé, dans le cadre de l’enquête, deux emprunts étrangers d’un montant ces deux emprunts comptabilisés dans les livres de la Somiva, sans que les justificatifs de mise à disposition par le canal des banques locales. «Ce montant de 12 690 000 000 Fcfa a, par la suite, indûment, était considéré comme une créance desdites sociétés sur Somiva puis
injecté dans le capital social de Somiva par le mécanisme de l’augmentation de capital suite
réconciliation de créances », fustigent les douaniers.


CMG, Libération

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