Pour répondre à la pénurie critique d’enseignants, le gouvernement sénégalais a lancé un Recrutement Spécial, encadré par la loi n° 61-33 du 15 juin 1961. Bien que cette initiative soit perçue comme une mesure d’urgence salutaire, elle révèle des failles structurelles et conceptuelles qui risquent d’affaiblir les objectifs fixés.
Une interprétation erronée des dispositions légales
Un malentendu persiste autour de la Liste d’Attente du CREM (Certificat de Recrutement des Enseignants de la Matinée). Contrairement aux revendications de certains candidats, cette liste ne garantit aucun droit prioritaire dans le cadre du Recrutement Spécial. Elle est exclusivement liée à la session du concours en cours.
Toute tentative de privilégier ces candidats pour un enrôlement automatique violerait non seulement l’esprit de l’arrêté régissant le CREM 2024, mais risquerait aussi de dénaturer les principes fondamentaux de mérite et d’équité sur lesquels repose la Fonction Publique. Cela pourrait ouvrir la voie à des dérives qui rendraient les concours tels que le CREM, FASTEF et UFR SEFS obsolètes.
Des lacunes organisationnelles préoccupantes
- Manque de vision stratégique
Le Recrutement Spécial, bien qu’ambitieux, ne semble pas accompagné d’un plan clair pour assurer une formation de qualité aux nouvelles recrues. Or, déployer des enseignants insuffisamment formés dans un contexte de classes surchargées et de programmes exigeants risquerait de compromettre davantage la qualité de l’éducation.
- Problèmes administratifs récurrents
Les lenteurs dans l’intégration des enseignants recrutés sont un problème chronique. Cela inclut des délais importants pour leur mise en solde, ce qui engendre des rappels financiers considérables. Ces dysfonctionnements administratifs sapent la motivation des recrues et aggravent les tensions entre l’État et les syndicats.
- Statut ambigu des recrues
Le statut des enseignants recrutés dans le cadre de ce programme est flou. Beaucoup craignent qu’ils soient assimilés aux décisionnaires, une catégorie confrontée à des défis considérables tels que la précarité de leur emploi, le retard des allocations et une couverture médicale insuffisante.
Des conséquences inquiétantes sur le système éducatif
Si le Recrutement Spécial peut sembler une réponse adéquate à court terme, il pourrait avoir des répercussions négatives durables :
Baisse de la qualité éducative : Une formation insuffisante des recrues compromettrait leur efficacité en classe.
Accentuation des inégalités : Les disparités entre enseignants issus de différents circuits de recrutement risquent de créer un climat de frustration et d’injustice.
Dégradation du dialogue social : Les syndicats pourraient intensifier leur pression face à une gestion jugée inéquitable et mal organisée.
Les recommandations du SELS/A
Pour pallier ces failles, le SELS/A propose les mesures suivantes :
Recruter au moins 7500 enseignants pour combler le déficit constaté et répartir la charge de travail équitablement.
Planifier avec rigueur : Un recrutement basé sur une étude des besoins locaux et des capacités de formation pour garantir une meilleure organisation.
Clarifier les statuts : Préciser les droits et devoirs des recrues pour éviter tout amalgame avec les décisionnaires ou d’autres catégories d’enseignants précaires.
Réformer l’administration : Accélérer les processus d’intégration, de mise en solde et de traitement des rappels pour éviter les frustrations.
Former efficacement les recrues : Garantir une formation adaptée avant leur déploiement pour maintenir la qualité de l’enseignement.
Un appel à la responsabilité
Le SELS/A invite l’État, les syndicats et tous les partenaires éducatifs à collaborer pour une mise en œuvre efficace et équitable du Recrutement Spécial. Une planification défaillante pourrait transformer une solution temporaire en un problème structurel pour le système éducatif.
Le syndicat renouvelle son engagement à défendre les droits des enseignants tout en veillant à préserver la qualité de l’éducation pour les générations futures.
SELS/A
