Par Abdou FAYE, Ingénieur statisticien économiste et financier
Les marchés financiers ont récemment envoyé un signal préoccupant au Sénégal. Alors que les Eurobonds africains progressaient en moyenne de +1,9 %, les titres souverains sénégalais ont reculé de –1,8 %. Cet écart de près de quatre points traduit une perte de confiance spécifique au pays, dans un contexte où la dette publique reste scrutée par les bailleurs et investisseurs internationaux.
Le poids des incertitudes sur la dette
Au cœur du problème se trouve la question de la « dette cachée ». Il s’agit de passifs qui ne figurent pas toujours dans les statistiques officielles : garanties d’emprunts contractés par des entreprises publiques, arriérés de paiement accumulés par l’État, ou encore engagements liés aux partenariats public-privé. Cette opacité brouille l’évaluation de la soutenabilité de la dette et suscite la méfiance.
Le Fonds monétaire international (FMI), partenaire de référence des investisseurs, se montre ainsi prudent. Tant que la structure réelle de la dette ne sera pas clarifiée et consolidée, le Sénégal risque de faire face à une prime de risque plus élevée sur les marchés internationaux.
Une sanction des marchés
Concrètement, la baisse de 1,8 % des obligations sénégalaises signifie que les investisseurs exigent désormais un rendement plus élevé pour prêter au pays. Par exemple, une émission obligataire d’1 milliard de dollars pourrait voir son coût de financement augmenter de plusieurs dizaines de millions de dollars sur la durée, réduisant ainsi les marges de manœuvre budgétaires de l’État.
À l’inverse, d’autres pays africains bénéficient actuellement d’un regain de confiance, leurs Eurobonds se revalorisant sur les marchés secondaires. Cela place le Sénégal en position de relative fragilité vis-à-vis de ses pairs.
Entre FMI et alternatives de financement
Le débat national s’anime autour de l’idée d’un recours à des solutions alternatives, parfois qualifiées de « Kopar Express », en substitution au FMI. Si cette option traduit une volonté d’autonomie financière, elle reste toutefois risquée. En effet, dans le système financier international, la signature du FMI demeure un gage de crédibilité. Sans cet appui, les investisseurs appliquent une décote, comme en témoigne la correction récente des Eurobonds sénégalais.
Conclusion
La situation actuelle appelle à une gestion rigoureuse et transparente de la dette publique. La crédibilité financière du Sénégal, essentielle pour maintenir l’accès à des financements soutenables, repose sur la capacité des autorités à clarifier la structure de la dette et à renforcer le dialogue avec les partenaires internationaux. Faute de quoi, le pays s’exposerait à un renchérissement durable de son coût de financement, au détriment des priorités économiques et sociales.

