À Guédiawaye, ce qui aurait dû être un simple stage de fin d’études dans une banque s’est transformé en cauchemar judiciaire. Émile Joseph Sarr, jeune stagiaire à la BOA de Mbao, est accusé d’avoir détourné plus de 16 millions de FCFA pour les injecter… dans des paris sportifs en ligne. L’affaire, jugée lundi par le Tribunal des flagrants délits de Pikine-Guédiawaye, fait froid dans le dos et pose une question brûlante : jusqu’où peut mener l’addiction au jeu, surtout lorsqu’elle s’immisce dans le monde feutré des banques ?
De 2,9 à 16 millions : la spirale du “pari miracle”
L’histoire commence par ce que le prévenu lui-même qualifie de « négligence ». Une cliente, Marième Ndoye, vient déposer 2,9 millions de FCFA pour l’ouverture d’un compte. En l’absence du directeur, Émile encaisse l’argent et le dépose dans un tiroir. Mais à son retour, l’enveloppe a disparu. Pris de panique, il prend une décision insensée : tenter de “se refaire” en jouant sur 1xBet afin de reconstituer les fonds avant que quiconque ne s’en rende compte.
Piratage interne à la BOA
Pour mettre son plan à exécution, le stagiaire profite de l’environnement sécurisé mais accessible de l’agence bancaire. En l’absence d’une collègue, Hélène Brown, chargée de clientèle, il utilise son poste de travail pour pénétrer le système. Il cible alors le compte de Khadim Guèye, dont il modifie les coordonnées, y insérant son propre numéro de téléphone. Grâce à cette manipulation, Émile Sarr crée un identifiant bancaire et lance une série de virements frauduleux vers un compte complice, pour un montant de 14 millions FCFA. À cela s’ajoutent les 2,9 millions initiaux : le préjudice total atteint 16,624 millions FCFA.
Silence, contradictions et un complice inconnu ?
L’enquête révèle également le nom de Francis Sagna, cité par un client mécontent de retraits injustifiés. Mais Émile nie toute implication de cet individu : « Je ne sais pas comment il a procédé », dira-t-il simplement.
Le procès : entre honte bancaire et drame humain
À la barre, l’avocat de la BOA ne décolère pas :
« L’image de la banque a été gravement ternie. On ne sait même pas s’il a réellement parié cet argent. Aucun reçu. Aucune preuve. Il parle de jeux, mais la banque a payé. »
Le procureur, lui, voit clair dans ce qu’il qualifie de détournement méthodique. Il a requis un an de prison ferme, soulignant la faute pleine et entière du jeune stagiaire.
Mais du côté de la défense, le ton est tout autre. L’avocat d’Émile Sarr plaide la tragédie humaine :
« C’est un jeune brillant, fils unique, malade, victime des jeux de hasard. Il n’a jamais nié les faits. Il a fauté. Donnons-lui une chance de se relever. »
Verdict attendu, avenir suspendu
Le tribunal rendra son délibéré le 8 juillet. En attendant, Émile Joseph Sarr reste en détention, privé de liberté… et surtout d’avenir. À 26 ans, il a misé son futur sur un pari en ligne, sans jamais encaisser le moindre gain.
L’Observateur
