À El Hamra, dans la région de Sfax (est du pays), plusieurs campements de fortune des migrants subsahariens vivant dans les oliveraies de la région ont été démantelées la semaine passée par la Garde nationale.
Dans un campement à El Hamra, quelques centaines de migrants subsahariens sont revenus s’installer après avoir été chassés par les autorités lundi 22 avril. Les autorités ont justifié ces évacuations par le fait que certains migrants auraient dégradé des biens agricoles dans certains endroits, créant des tensions avec la population avoisinante. Les résidus du campement jonchent encore le sol, brûlés et détruits. Richard, un Camerounais, dit avoir été blessé dans la cohue : « Je vois un groupe sortir de nulle part en train de courir avec des machettes, comme s’ils étaient en train de fuir quelqu’un. Je me tourne pour regarder dans l’autre sens, je vois une balle sortie de nulle part. »
Selon plusieurs témoignages, un groupe d’Ivoiriens avec des armes blanches aurait essayé d’en découdre avec les autorités et c’est leur fuite qui aurait ensuite provoqué des échauffourées dans leur campement. Plusieurs migrants ont accroché leurs sac à dos aux oliviers, prêts à fuir de nouveau. Salvador, Camerounais, dit n’avoir nulle part où aller : « Nous ne sommes pas prêts à partir. C’est pas la première fois, en novembre nous avons eu une attaque de la même sorte, on est pas parti, jusque-là nous sommes toujours là. »
Un quotidien difficile pour les habitants
À El Hamra, diverses nationalités sont présentes. Guinéens, Maliens, Burkinabè, Camerounais. Tous attendent de pouvoir traverser la Méditerranée, certains depuis des mois, d’autres qui viennent d’arriver comme Diallo, un Guinéen de 25 ans. Il est passé par la frontière algérienne en début d’année, a tenté une traversée en mer depuis Sfax et s’est fait intercepté par les garde-côtes tunisiens. Puis il a été emmené dans un bus avec d’autres et refoulé à Tébessa dans le désert algérien. Il est finalement revenu à El Hamra pour tenter un autre départ mais il ne s’attendait pas aux évacuations de force la semaine passée. Aujourd’hui, il vit dans la crainte d’être à nouveau réprimé par les autorités tunisiennes.
« On les attend parce que chaque jour, ils peuvent venir, chaque jour, chaque heure donc nous on est là. Les gens ne construisent même pas où dormir. On dort à ciel ouvert, à la belle étoile. Parce que quand tu fais quelque chose, ils viennent, ils détruisent. Même la nourriture, quand ils viennent, ils détruisent. Ils fouillent les poches, les habits, pour attraper les téléphones et vérifier s’il y a de l’argent… c’est ce qu’on subit. Moi en tant que musulman, quand je viens dans un pays où il y a des musulmans, je pense que je n’aurai pas de problèmes si je ne crée pas de problèmes. Beaucoup de personnes pensent aussi ça. Mais ici, là, c’est vendredi donc même si tu as envie d’aller à la mosquée, prier là-bas, tu risques d’être attrapé par la police, par la Garde nationale. »
La plupart attendent de pouvoir prendre la mer vers l’Europe comme en témoignent des restes de bateaux en fer aux abords du campement.
Mais pour les agriculteurs qui habitent juste à côté de l’oliveraie, la situation devient intenable, comme l’explique Houda Slimene, une agricultrice : « Ils tapent le soir à ma fenêtre et me demandent à manger. Ils m’ont enlevé la moitié des tuyaux d’irrigation dans mon champs ainsi que des piquets que j’avais mis pour mes brebis. Je ne sais plus quoi faire, c’est pas possible, je n’arrive même plus à planter mes légumes. »
Ils seraient environ 20 000 migrants à vivre dans ces camps depuis des mois. Certains y sont depuis la mi septembre, après avoir été forcés par les autorités de quitter le centre-ville de Sfax.
Rfi